mardi 25 mars 2008

Hoja de coca no es droga!


LE MONDE 18.03.08 15h20
Interdire la mastication de la feuille de coca ? L'idée fait sourire Teofila, 54 ans, qui vend des légumes sur un marché de Lima. "Les gens des campagnes sont habitués à mastiquer leur coca : c'est comme cela depuis des siècles et ils ne vont pas arrêter maintenant", assure-t-elle. "Ma famille habite dans les Andes et, là-bas, personne ne va travailler sans sa coca, car la mâcher donne de l'énergie et coupe la faim", ajoute-t-elle.
Comme beaucoup de Péruviens, Teofila a pourtant entendu la nouvelle qui circule depuis plusieurs jours : publié le 5 mars, le dernier rapport de l'Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), une commission chargée de surveiller l'application des traités internationaux relatifs aux drogues, recommande aux gouvernements de la Bolivie et du Pérou de "supprimer ou interdire les activités contraires à la Convention de 1961 sur les stupéfiants, comme la mastication de la feuille de coca, la fabrication de mate (infusion) de coca et d'autres produits contenant des alcaloïdes pour la consommation intérieure ou pour l'exportation".


"COUTUME ANCESTRALE"
Ce rapport a provoqué un tollé chez les Péruviens, qui ont rarement montré une telle unanimité, pour défendre la feuille de coca. "Des étrangers ne peuvent pas nous dire de supprimer une coutume ancestrale", s'exclame Noe, un commerçant de 62 ans. Etudiante, Celia regrette, elle, "les préjugés autour de la feuille de coca dus au narcotrafic".
Le Pérou est le deuxième producteur mondial de cocaïne, une drogue élaborée à partir d'un alcaloïde (molécule) issu de la feuille de coca. En 2006, 280 tonnes de cocaïne sont sorties du Pérou, contre 640 de Colombie et 90 de Bolivie. Selon la commission péruvienne chargée de la lutte antidrogue, 90 % de la production de feuilles de coca iraient à la production de cocaïne. Malgré tout, "l'usage traditionnel de la feuille n'a rien à voir avec la drogue", insiste Tarcila Rivera, présidente du centre culturel Chirapaq, pour qui le rapport de l'OICS va contre les droits des peuples indigènes.
Au Pérou, plus d'un million de personnes avouent utiliser la feuille de coca à des fins alimentaires ou thérapeutiques. En plus de la mastiquer, beaucoup la consomment en farine ou en infusion pour réduire les effets du mal de l'altitude. Feuille "sacrée", présente dans de nombreux rites spirituels et religieux, la coca fait partie de la culture des populations andines et de certains peuples d'Amazonie depuis des millénaires.
"Nous continuerons de respecter les usages traditionnels de la feuille de coca", a tranché le ministre des relations extérieures, José Garcia Belaunde. Menant une politique antidrogue financée par les Etats-Unis, Lima n'a pas hésité à rejeter les recommandations de l'OICS concernant les coutumes locales, rappelant que le Pérou avait obtenu, lors de la Convention des Nations unies contre le trafic illicite des stupéfiants, en 1988, que les mesures futures prennent en compte les traditions ancestrales.
En Bolivie, le président Evo Morales, qui cherche à promouvoir l'industrialisation de la coca, s'est aussi fermement opposé au rapport de l'OICS.

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