lundi 7 avril 2008

Pérou : l'eau ce divin nectar.

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Libération
04-04-08
L'eau, ce divin nectar.

Au gré de leurs rencontres, deux globe-trotters racontent les bouleversements, les combats et les scandales autour de l'eau.

Capter l'eau du brouillard pour alimenter des régions désertiques, voilà ce qui occupe une confrérie de sourciers bien particuliers. Du Népal à l’Afrique du Sud, de l’Erythrée au Chili, ils tendent des filets à flanc de montagnes et y prennent au piège les précieuses gouttes d’or bleu que la brume apporte.

C’est à Lima, la capitale du Pérou, que je pars aujourd'hui rencontrer l’un des promoteurs de cette technique. Par le hublot du vol qui m’y amène d’Iquitos, c’est un accéléré de cours de géographie péruvienne qui passe sous mes yeux. D’abord défile l’immense tapis verdoyant de la forêt amazonienne : les précipitations annuelles peuvent y monter à 3,80 m, des dizaines de milliers de personnes y vivent sur l’eau. Puis ce sont les écailles des montagnes et les hauts plateaux de la chaîne des Andes, tout en nuances d’ocre et de rosé. Presque à destination, l’avion entame ses manœuvres au-dessus de la côte Pacifique avant de plonger à travers la triste brume grise qui la recouvre. Dans le ciel de Lima, les nuages sont omniprésents... mais ils ne font que passer. Avec des précipitations qui plafonnent à quelques centimètres par an, c’est dans un désert que vivent les 8 millions d’habitants de la capitale. J’y suis accueilli par Jacques Béharel, un ingénieur français installé depuis des dizaines d’années au Pérou. Ensemble nous prenons la Panamericana, cette route qui suit la côte Pacifique, pour aller visiter le site de Pasamayo Fariente à 60 km au nord de Lima. Le projet a été mis en place en 1993. Il s’agissait de lutter contre l’érosion qui menaçait d’ensabler la route. Plus de 10 000 arbres furent ainsi plantés sur les pentes surplombant la Panamericana. Et pour alimenter les rangées d’arbustes, dans cette région où il pleut seulement 3 cm d’eau par an, on fit appel à Jacques Béharel et à ses filets attrape-brouillard. Le reboisement est effectivement une utilisation importante des filets : après quelques années où leur croissance est soutenue par l’eau du brouillard, le feuillage des jeunes plants devient suffisamment touffu pour qu’ils captent eux-mêmes l’humidité nécessaire à leur développement.
Mais cela fait maintenant des années que le site de Pasamayo a été abandonné par ses promoteurs. Des filets, il ne reste que quelques poteaux en bambou plantés dans le sol : ils ne réussissent plus qu’à intriguer les bergers coutumiers du lieu. Un peu plus bas, les centaines de rangées d’arbres sont toujours là, mais ils n’ont à offrir que des silhouettes rachitiques et des branches cassantes. Jacques Béharel, lors de la visite, ne décolérera pas contre l’instabilité politique au sommet de l’Etat péruvien, responsable selon lui de l’abandon du projet.

De retour de Pasamayo Fariente, nous traversons les immenses faubourgs de Lima. Les rangées de maisons de fortune s’étalent sur la terre aride, à flanc de collines et au fond des vallées. Pour les populations pauvres de ces quartiers, l’alimentation par camion-citerne est la norme, à un coût élevé et sans garantie de qualité. Aujourd’hui Lima trouve son eau dans les quelques rivières qui descendent des Andes ainsi que dans les nappes phréatiques. La métropole doit faire face non seulement à la pollution de ces ressources, mais aussi à la baisse du débit des cours d’eau en raison du recul des glaciers des Andes. Lima, une des plus grandes métropoles au monde située dans un désert, est menacée par la pénurie d’eau. Les autorités en prennent conscience, et elles tablent aujourd’hui sur le dessalement de l’eau de l’océan Pacifique.
Par le pare-brise, je regarde de nouveau la basse couche de nuages qui presque toute l’année recouvre la côte. L’eau qu’elle contient vient aussi de l’océan, mais ce sont le soleil et le vent qui se chargent de son dessalement et de son transport. Le captage de brouillard est loin de pouvoir répondre aux immenses besoins de la métropole, mais il permet de soutenir un village ou des cultures. Alors que de plus en plus la moindre goutte d’eau devient précieuse, je me dis que de nombreux champs de filets attrape-brouillard pourraient bien un jour fleurir sur les pentes arides de la côte péruvienne.

Un faubourg du nord de Lima., où l'alimentation en eau se fait essentiellement par camions-citernes.

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Et il en va de la politique en matière d'écologie comme de celle du "social" et des enfants des rues, instabilité et abandon des projets à peine naissants!

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